Exploiter le dénivelé pour une meilleure gestion de l’herbe
Le Gaec des Estives a remporté le 1er prix du concours général agricole des pratiques agroécologiques, catégorie « prairie et parcours », en présentant une parcelle de son exploitation, îlot intermédiaire dans son cycle du pâturage.
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Sébastien Ramade, 40 ans, et son associée Claire Goutay, qu’il a rencontrée à l’Enilv d’Aurillac (Cantal) durant leurs études de BTS, ont remporté pour le Gaec des Estives le prix du concours général agricole concernant les pratiques agroécologiques dans la catégorie « Pâturage prioritaire » au Salon de l’agriculture en 2025.
Une bonne partie de l’exploitation, située à Murat-le-Quaire (Puy-de-Dôme), repose sur les pâturages et estives du puy Gros, à quelques kilomètres du massif du Sancy, au sommet de la Banne d’Ordanche (1 515 mètres). Tout l’intérêt de son système réside dans la différence d’altitude entre les parcelles, avec des pousses de l’herbe différentes. Ainsi la parcelle de 3 hectares présentée au concours est utilisée comme zone de transition avant l’accès aux estives en altitude. « Elle permet un usage optimal de la ressource en herbe tout en garantissant la pérennité du couvert », peut-on lire sur le site de l’AOP saint-nectaire. « Ici, ce n’est pas simple de trouver du terrain », souligne Sébastien. Robert, son père, est arrivé sur le site avec six vaches. Aujourd’hui, il y en a 46, des montbéliardes et des ferrandaises.
La production destinée au saint-nectaire
Tout le lait est transformé pour produire du saint-nectaire fermier (95 %) et de la raclette fermière (5 %), vendus à la ferme dans le magasin qui a pris la place de l’auberge. En effet, Robert et sa femme avaient également tenu une auberge-café en bord de route, jusqu’en 2012, en plus de l’exploitation. Avec la transformation et l’affinage des fromages, il fallut faire un choix entre les différentes activités. Le café a donc été transformé en magasin et bureau pour l’exploitation.Sébastien s’est installé en 2007 en Gaec avec ses parents, après avoir travaillé à l’extérieur. Bernadette, sa mère, est partie en préretraite en 2015 et Robert en 2022, conduisant l’exploitation à changer de statut et à passer en EARL. Claire, 39 ans, ancienne cadre chez Michelin, arrive en 2024 et relance le Gaec.
Sébastien et Claire débordent d’idées et de projets, accompagnés de leurs quatre salariés et de leur stagiaire. Le séchage en grange est déjà là depuis 2019 (230 000 € d’investissement). Le photovoltaïque sur les toits est en préparation. « Je voudrais faire du fromage dans un buron aussi. Je n’ai pas pour objectif d’augmenter la production de lait, mais plutôt de la valoriser », relève-t-il. Sur le plan fourrager, la ferme est largement autonome avec 220 ha de prairies naturelles, soit 100 % de la surface en herbe de l’exploitation. « J’ai 10 à 20 % de fourrage en trop, que je vends. Et nous récoltons 300 tonnes de foin en vrac par an et 300 ballots que nous gardons, au cas où. »
Un système qui repose sur la nature
Les prairies sont l’une des clés de voûte du système d’exploitation. « C’est à nous de nous adapter à la nature et pas à la nature de s’adapter à nous », déclare Robert. Sur la ferme, tout le monde doit savoir tout faire. « S’il y en a un qui ne sait pas traire, il va apprendre ! » lance Sébastien, avec le sourire.
Sur le plan botanique, les prairies du Gaec affichent « plus de 60 espèces différentes, dont une qui n’existe que sur le puy Gros et en Italie », fait observer Sébastien. Il travaille avec le conservatoire botanique national du Massif central et l’Observatoire des prairies du Massif central (Inrae, parc naturel régional de l’Aubrac). « Sur la parcelle qui a remporté le prix, il n’y a pas d’engrais. Elle est juste broyée. L’objectif du concours était d’expliquer comment nous intégrons cette parcelle dans le système de production. Par exemple, nous ne mettons pas de fumier partout car, avec l’altitude, tout pousserait en même temps, ce que nous ne voulons pas », analyse Sébastien.
La fauche est réalisée avant le 15 juilllet
La pousse de l’herbe a lieu du 10 avril au 10 juillet en fonction de l’altitude du parcellaire, de 850 à 1 450 mètres. « Dans une ferme classique, le stade pâturage serait déjà dépassé à cette date », souligne Sébastien. Les dates de fauche évoluent en fonction de la météo et des dates d’entrées des vaches dans les parcelles. Elles changent tous les ans mais « toujours avant le 15 juillet, sinon il n’y a pas de repousse. Or, en gérant bien, nous pouvons gagner dix jours de pâturage à l’automne », estime-t-il. Une pratique qu’il a acquise par l’expérience. « Nous essayons de faucher tard, mais pas trop tard pour que les plantes se développent suffisamment », continue-t-il.
En montagne, se pose la question des chemins d’accès. Une des pistes de ski de fond l’hiver sert de chemin d’accès l’été. Pour aller sur certaines parcelles de récolte, il faut vingt minutes en 4x4 et trente-cinq minutes en tracteur, mais entre une heure quinze et une heure et demie pour l’autochargeuse. « Bilan : nous faisons appel à un prestataire externe pour la récolte du foin sur les parcelles éloignées et plates. Dans les pentes, c’est moi ! » s’exclame Sébastien. Un accès à l’eau est garanti sur toutes les parcelles. Des dégâts de rats taupiers ? « Pas vraiment. C’est sans doute lié à la grande biodiversité présente ici. Nous avons surtout des taupes, que nous piégeons. »
En association avec l’Inrae, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, le Conservatoire botanique national et d’autres organismes, ses sols sont analysés afin de croiser biodiversité, qualité des sols et qualité du lait (voir les tableaux ci-dessus). Une collaboration avec les scientifiques, dont Robert et Sébastien sont fiers, preuve de la réussite des moyens mis en œuvre, tout en s’évertuant à « travailler avec la nature ».
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